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Il y a presqu’un an, je vous racontais ici mon aventure à Ouidah avec de jeunes réalisateurs de films d’animation. Depuis ils ont progressé et l’un d’entre eux, odilon Assou, est sélectionné pour la Talent Durban 2019 en Afrique du Sud. Ils ont également comme ambition de réaliser une série de court métrage de films d’animation. J’ai jugé donc opportun de donner la parole à Jean Pierre Tardivel, l’initiateur de « Du Dessin animé à Ouidah » pour qu’il nous parle de son projet.

Bonjour Jean-Pierre, présente-toi stp.

Bonjour Cornélia. Je réponds au nom de Tardivel Jean-Pierre à l’état civil. Pour faire rapide, j’ai très tôt été attiré par le cinéma et le dessin. Ces deux arts conjugués se concrétisent dans celui du dessin animé.  La chance m’a permis de rencontrer les pères d’Astérix le Gaulois et de travailler dans le studio qu’ils avaient créé à Paris, en 1974 ! J’ai collaboré quatre années avec ces deux génies et des talents prodigieux de l’animation. Puis, ma carrière s’est orientée vers la série pour la télévision (Mondes engloutis, les Kangoo Juniors, Foot de rue, Bask Up…). Une carrière qui me fait voyager en Europe, mais aussi en Chine, et en Inde…

…Mais pas l’Afrique !

C’est en 2003 que je découvre le continent par un premier séjour à Abidjan, séjour que j’emploie à apporter la bonne parole de l’animation ! C’est là que vient le coup de cœur pour le continent, car de cette première expérience, avec les rencontres bénéfiques, s’enchaînent les séjours : Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal, Burina Faso, Congo Kinshasa et Bénin.

Je reviens sur plusieurs facettes, car à côté de mes activités de réalisateur en dessin animé, formateur et initiateur de projets dans le domaine, j’ai aussi une passion littéraire et j’écris des romans. Entre autres, deux ont paru à Abidjan dans la collection Enigma, chez Nei Ceda.

Parle-nous du projet « Du Dessin animé à Ouidah »

Je viens de dire avoir « prêché la bonne parole » de l’animation en Côte d’Ivoire. L’idée initiale était liée à un constat : pas de production de film d’animation sur place, par manque de connaissance de la technique. L’analyse était certes rapide, car d’autres facteurs entrent en jeu pour produire en audiovisuel, et tu le sais, Cornélia, mais toutefois, notre technique est si particulière que sans une approche pédagogique préalable, elle demeure une sorte d’activité magique, impénétrable ! Donc, j’ai cité les pays où, de rencontres en relations, nous sommes parvenus à concrétiser des moments de formation autour de la technique de l’animation. Je dis des moments, car il faudrait un vrai cursus, comme on les envisage partout sur la planète, sauf en Afrique ! Et là je m’adresse solennellement aux autorités. L’animation, comme la sociologie, l’agronomie ou la santé, nécessite un vrai plan de formation !

Ce que nous faisons à Ouidah, grâce aux aides dispensées par des mécènes à 90% extérieurs au Bénin, c’est une formation théorique de trois mois dans un premier temps et concrète sur une durée plus longue car axée sur des productions locales. En fait nous menons de front la très complexe dualité formation/production.

Et dans ce cadre, nous avons plusieurs projets en « chantier », dont un qui devrait démarrer incessamment. Le lien ci-dessous s’adresse à toutes celles et ceux qui veulent bien aider à sa concrétisation :

https://www.helloasso.com/associations/atelier-animation-et-recherche-graphique/collectes/serie-dessin-anime-2d-zloopi-et-dito-13-episodes-de-3-minutes

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atelier “Du Dessin animé à Ouidah”

 

 Pourquoi avoir choisi le Bénin pour ce projet ?

Les rencontres ont joué un grand rôle dans mes différents séjours. Si celle de Jean Odoutan, au hasard de mes sorties parisiennes au début des années 2000, m’a permis de m’intéresser à son pays, d’autres ont aussi compté pour m’établir ici. Désormais, je réside une grande partie de l’année à Ouidah.

Maintenant, dans tous les plans de formation que nous avions montés aussi bien à Abidjan, Bamako, Ouaga ou Kin, je suis intervenu en tant que formateur, l’organisation des ces véritables « barnum » était du fait d’autres organisateurs, Gaston Kaboré à Ouaga, Jean-Michel Kibushi à Kin, pour ne citer que ces deux réalisateurs… Ici à Ouidah, j’avoue être le maitre d’œuvre de l’initiative, ce qui suppose d’assumer toutes les démarches pour concrétiser l’atelier, démarches dont je vais épargner les lecteurs, car elles sont assez nombreuses et parfois stressantes…

 Et pourquoi la ville de Ouidah ?

Je vis à Ouidah plusieurs mois par an. Sans reprendre la liste des obligations qu’imposent de concrétiser le studio/école, il était plus évident d’organiser l’atelier dans la ville où je me trouve. Mais par delà ce confort personnel, plusieurs raisons m’ont incité à ce choix.

Une ville comme Ouidah est un lieu de mémoire, un lieu historique propice à la réflexion et sans doute à l’inspiration sur sa propre identité. Ce premier point est, je crois, majeur, car notre technique n’est pas un seul moyen d’agiter des images, mais bien plutôt un véritable véhicule pour faire passer des messages auprès du plus grand nombre. L’animation parle à toutes les couches de la société, elle touche directement, et à travers ce que l’équipe « du dessin animé à Ouidah » sera capable de mettre en scène, c’est l’âme de cette identité qui transparaitra. Et pour y parvenir de manière pratique, dans une petite ville comme Ouidah, on se concentre sur l’objectif de notre projet, car tous réunis en un lieu calme, préservé des pollutions de tous genres que l’on doit supporter dans les grandes villes. De plus, dans le cadre de la décentralisation, notre opération correspond  aux attentes maintes fois répétées par les autorités successives.

 Après une année de mise en œuvre, es-tu fier de ce projet ?

Difficile de répondre à cette question, car la fierté n’a pas de baromètre et demeure une mesure très subjective ! Je répondrais par une anecdote et des constats. Lorsque nous avons dispensé notre formation à Ouagadougou en 2008, nous avions passé le très beau film de Fréderic Back, réalisé d’après une nouvelle de Jean Giono : l’homme qui plantait des arbres. L’histoire d’un homme qui à force d’opiniâtreté est parvenu à reboiser entièrement une région devenue presque désertique.

En 2003, pratiquement pas d’animation en Côte d’Ivoire. Depuis, il existe plusieurs sociétés de production en animation, une association ivoirienne du film d’animation et un festival s’est même créé, dont la 2ème édition vient de s’achever début juin. Au Burkina Faso, le schéma est presque identique. Ouaga est connue pour son festival panafricain, l’animation y a eu sa place méritée lors de sa dernière édition en février de cette année. A Kinshasa, et dans la région des lacs, l’animation commence aussi à fleurir, etc…

Donc, pour revenir à la question, la fierté viendra lorsque l’animation béninoise pourra vivre de son propre talent !

 Qu’as-tu ressenti quand ton poulain Odilon t’a annoncé sa sélection  à Durban ?

Bien sûr, c’est un grand plaisir que d’apprendre une telle nouvelle. J’en suis heureux à plusieurs titres, car je me souviens avoir dit à l’équipe que « par ce métier, vous parviendrez à voyager, dans un cadre, avec des objectifs et non voyager par errance ! »  Cette invitation à travailler à Durban dans le cadre  « Talents Durban Class2019 » est le premier palier de ce que j’ai dit un peu plus haut : la fierté viendra lorsque l’animation béninoise pourra vivre de son propre talent !

On espère beaucoup de cette participation à « Talents Durban Class2019 ».

Odilon-Assou.jpg

Odilon Assou est selection pour la talent Durban 2019

 Vous travaillez sur une série de 13 épisodes de 3 minutes, un crownfunding a d’ailleurs été lancé, peux-tu mieux nous en parler ?

Le crowfunding vient d’être lancé, il y a un mois déjà. L’équipe s’est beaucoup investie au cours de l’année et aussi pour laquelle des participations béninoises nous ont été promises. Un budget relativement important est nécessaire pour parvenir à concrétiser le projet et nécessite de fait plusieurs sources de financement. D’où un appel lancé via la plateforme HelloAsso. Bien entendu toute participation béninoise sera la bienvenue, tant de la diaspora basée en France, que je sais très active, mais aussi de la société locale dont les ressources, pour certains, permettent aisément le coup de pouce attendu !

Et c’est presque un « coup de gueule » que je suis prêt à clamer ici, quand je constate le gâchis financier et les possibilités inouïes que ces dépenses inconsidérées pourraient soutenir.

school et persos

 Comment vois-tu le cinéma d’animation au Bénin dans les 5 prochaines années ?

Si je me réfère aux expériences conduites dans les pays cités plus haut, je suis assez sûr que le Bénin peut tirer son épingle du jeu. Les talents sont là : les idées de scénarios, les graphistes, les futurs animateurs… Il manque sans doute une volonté politique (au sens noble du terme), et si j’ai mentionné les pays voisins dont l’expansion du domaine va tambour battant, c’est en partie grâce à une vraie politique audiovisuelle menée par les autorités.

Manque peut-être aussi une volonté du peuple béninois à accepter ses propres talents. J’ai eu vent du fait que la salle Canal Olympia fait recette lorsqu’elle projette les superproductions hollywoodiennes et compte les spectateurs sur les doigts de la main lorsqu’elle programme un film béninois !

avec lionel davinci.jpg

Jean-Pierre, ces élèves et l’artiste béninois Lionel Attere

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